Mémoires de la soie dans la Drôme et à Taulignan

Mémoires de la soie dans la Drôme et à Taulignan

Taulignan

L'association des Onze Tours (association qui travaille sur le patrimoine de Taulignan) a publié en octobre 2011 cette étude que j'avais réalisée en 2002 à la demande de la Conservation Départementale de la Drôme, consacrée à l'histoire et au contexte social de la soie à Taulignan et dans sa région. Elle restitue, au-delà des chiffres évocateurs de la production, la dimension humaine du travail, bien souvent négligée au prix de la rentabilité. Elle s'attache en particulier à l'histoire douloureuse de celles que l'on appelait pudiquement les "orphelines": filles de familles pauvres, orphelines parfois, ou prostituées, envoyées par l'organisme catholique du "Bon pasteur" de Paris aux établissements Armandy de Taulignan, qui les utilisaient de 13 à 21 ans.

Voici quelques lignes de ma conclusion qui soulignent les difficultés auxquels j'ai été confrontée lors de l'enquête, et la nécessité de ce travail pour la reconnaissance de celles qui ont contribué à la prospérité de l'industrie moulinière :

J'ai été surprise par le silence et l'oubli qui sont retombés sur l'histoire récente et douloureuse des "orphelinats industriels" et les conditions de travail de leurs ouvrières.

Mais le silence n'est-il pas caractéristique de l'identité de ce bourg sentinelle qui oscille entre bien des possibles, parmi les parcelles de vignes, l'eau du canal de moins en moins convoitée, irriguant ses bas-fonds fertiles, et les étendues arides, rebelles à toute agriculture, où la truffe se cachait dans de maigres taillis sur le passage des moutons ? Ce silence n'est-il pas celui des classes populaires qui l'animaient jadis, toutes entières vouées au travail que fournissaient les ressources locales - les carrières de pierre, la soie, les cartonnages - et occupées à gagner un salaire de survie.

Une longue histoire muette hante Taulignan, bourg fortifié du XIIIème siècle, aux maisons resserrées autour de leur clocher, dans la coquille ronde des remparts tendus de onze tours, déserté par ceux qui s'y sont créé une fortune. Certains auraient profité du pittoresque de son site pour le mettre en valeur, capter l'attention et attirer sur leur village les faveurs de la vague touristique, d'autant que la région s'y prête et que les bourgades voisines, (Grignan, Nyons) plus bourgeoises, ont misé depuis longtemps sur cet atout. Mais il n'en est rien. Taulignan berce sa mémoire.

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